En bref
- Objectif : responsabiliser les parents face à l’absentéisme scolaire.
- Mesure : suspension des allocations familiales versées par la CAF.
- Cadre légal : loi de 2023 autorisant les communes à agir contre le décrochage scolaire.
- Mise en œuvre : avertissement, accompagnement social, puis sanction temporaire.
- Controverse : entre justice sociale et responsabilité parentale, le débat reste vif.
À Béziers, Robert Ménard relance un débat sensible : faut-il conditionner les aides sociales à la bonne conduite des familles ? Son projet consiste à suspendre les allocations familiales des parents dont les enfants accumulent les absences injustifiées ou sont signalés dehors la nuit sans surveillance. Objectif affiché : enrayer l’absentéisme scolaire en rétablissant la responsabilité parentale.
Une sanction sociale pour restaurer l’autorité éducative
Chaque mois, la CAF verse une aide financière essentielle à des millions de foyers. À Béziers, la mairie envisage de transformer ce soutien en levier de responsabilisation. Le versement serait suspendu en cas de manquements répétés à l’obligation scolaire.
L’idée, selon le maire, n’est pas de punir les familles mais de restaurer le lien entre droits et devoirs. Les allocations ne seraient plus perçues comme un acquis, mais comme la contrepartie d’un engagement éducatif.
En associant la présence à l’école et le maintien des aides, la municipalité entend rappeler que l’éducation des enfants reste une obligation légale, mais aussi morale. Cette orientation soulève néanmoins une question centrale : où s’arrête la solidarité, et où commence la sanction ?
Un cadre légal renforcé depuis 2023
La proposition s’appuie sur une loi votée en 2023, qui autorise désormais les communes à suspendre les aides sociales en cas de manquement grave à l’obligation scolaire. Jusque-là, les sanctions restaient symboliques. Désormais, le cadre juridique permet une action directe et rapide contre le décrochage scolaire.
Le dispositif s’inspire de modèles étrangers, notamment britanniques, où les parents d’élèves absents peuvent être sanctionnés financièrement. En France, la ville de Narbonne a déjà expérimenté une mesure similaire, révélant une efficacité mitigée mais une réduction notable des absences répétées dans certains quartiers.
Une application locale sous haute surveillance
À Béziers, la procédure serait progressive. En cas de signalement répété, la CAF serait alertée par la mairie. Les parents concernés recevraient un avertissement écrit, puis un accompagnement social personnalisé.
Si les absences persistent ou si l’enfant est repéré dehors la nuit, une suspension temporaire des allocations serait prononcée, avec possibilité de rétablissement dès retour à la normale.
Ce dispositif impliquerait une coopération étroite entre établissements scolaires, services sociaux et autorités locales. La mesure vise aussi à prévenir les violences urbaines en renforçant la vigilance parentale.
Responsabilité parentale ou stigmatisation sociale ?
Les soutiens de Robert Ménard estiment que cette mesure remet les parents face à leurs obligations et redonne du sens à la notion d’autorité. Selon eux, la pression financière pourrait inciter à un meilleur suivi des enfants, limitant ainsi le décrochage scolaire et la délinquance juvénile.
Mais les associations familiales et travailleurs sociaux dénoncent un dispositif potentiellement injuste. Ils craignent que les familles déjà précaires soient les premières pénalisées, risquant d’aggraver leur isolement et de nourrir un cycle d’exclusion sociale.
Certains rappellent que les causes de l’absentéisme dépassent souvent la seule responsabilité parentale : troubles psychologiques, harcèlement scolaire ou problèmes médicaux sont fréquemment en cause.
Des alternatives centrées sur le soutien plutôt que la sanction
Plusieurs acteurs du monde éducatif défendent une autre approche : renforcer le dialogue entre école et famille, créer des contrats d’engagement éducatif et développer des actions de prévention adaptées à chaque situation.
Le suivi individualisé, selon eux, permettrait de traiter les causes profondes plutôt que de punir les symptômes.
Les experts soulignent que la lutte contre l’absentéisme scolaire ne peut se limiter à des sanctions administratives. Le niveau de vie, l’environnement urbain, le climat familial ou la sécurité locale jouent aussi un rôle dans le rapport des jeunes à l’école.
Une politique équilibrée devrait conjuguer fermeté et accompagnement, sans réduire la solidarité nationale à un outil de contrôle.
Une mesure symbolique, mais à portée nationale
La démarche biterroise pourrait inspirer d’autres communes françaises confrontées à une hausse de l’absentéisme post-Covid. Si elle venait à être validée par la CAF, elle marquerait une tournant politique dans la gestion des aides sociales : passer d’un modèle purement redistributif à un modèle conditionné à la responsabilité.
Cette évolution interroge la finalité même du système social français : soutenir ou corriger ?
Entre impératif budgétaire et exigence éducative, Béziers ouvre une voie que certains voient comme nécessaire, d’autres comme un dangereux précédent.










